Le blog d'Ernesti

L'art-thérapie au service des personnes âgées

Ressentez-vous que votre proche âgé a parfois tendance à refouler ses émotions ? Peut-être n’ose-t-il pas extérioriser certains sentiments par pudeur, ou alors par difficulté à se laisser aller. Pour les seniors atteints de troubles cognitifs, la perte de l’usage de la parole et des repères spatio-temporels peut également freiner l’expression de certaines émotions. Si votre parent n’a plus la capacité de suivre une thérapie classique ou ne le souhaite tout simplement pas, quelques séances auprès d’un art-thérapeute pourraient être une belle alternative. Mais qu’est-ce que l’art-thérapie pour les personnes âgées ? Découvrons-le ensemble dans cet article-témoignage rédigé en collaboration avec Cécile Louradour, assistante de soins en gérontologie et art-thérapeute en région bordelaise !

Qu’est-ce que l’art-thérapie ?

Selon le Syndicat français des art-thérapeutes, l’art-thérapie se définit comme étant une pratique de soins fondée sur l'utilisation thérapeutique du processus de création artistique. L’art devient donc le vecteur permettant d’extérioriser des émotions (positives ou négatives) du quotidien. Les art-thérapies englobent des pratiques très différentes, comme la peinture, le dessin, la danse ou encore la sculpture.

Cependant, les arts plastiques restent la forme d’art-thérapie la plus appréciée, représentant 65 % de la pratique globale selon l’AFRATAPEM (Association française de Recherches et Applications des Techniques Artistiques en Pédagogie et Médecine).

Art-thérapie ou médiation artistique ?

Certains professionnels discernent l’art-thérapie de la médiation artistique. Souvent pratiquée en groupe, cette dernière a pour but de réunir plusieurs personnes autour d’un moment de création artistique. Le médiateur proposera une activité concrète, dont le but sera avant tout de donner vie à une création (un dessin, une peinture, une fresque, etc.). C’est notamment ce type d’atelier que proposent généralement les structures d’accueil aux personnes âgées.

L’art-thérapie, quant à elle, se focalise davantage sur la relation patient-thérapeute, soutenue par le vecteur artistique. La création n’est pas un but en soi, et l’art-thérapeute se concentrera davantage sur l’expérience et les ressentis du patient durant la séance que sur le résultat final. Elle se pratique généralement en séance individuelle, de la même manière qu’une séance de thérapie « classique ». Les séances en couple ou à plusieurs sont également possibles dans certains cas.

L’art-thérapie pour les seniors

Toujours selon l’AFRATAPEM, 50 % des bénéficiaires d’art-thérapie en France sont des personnes de plus de 60 ans, la moitié d’entre elles souffrant de troubles tels que la maladie d’Alzheimer, des états dépressifs, de l’anxiété, la maladie de Parkinson, etc.

Les seniors en perte d’autonomie sont donc un public particulièrement réceptif, auprès de qui ce type d’accompagnement thérapeutique démontre de réels bienfaits. En effet, l’art-thérapie améliore la confiance et l’estime de soi grâce à l’apprentissage et la pratique d’activités créatives. En outre, elle favorise la communication et l’expression de ses émotions et de ses sentiments, ce qui peut amener à dénouer des peurs et à mieux appréhender les gestes quotidiens.

Les patients atteints de démence ou sujets à des troubles du langage trouvent lors des séances un espace d’expression non verbale dans lequel ils peuvent évoluer sans crainte d’être jugés ou mis en difficulté.

8 questions à Cécile Louradour, assistante de soins gérontologiques et art-thérapeute auprès de personnes âgées

Pouvez-vous vous présenter ?

Art-thérapeute depuis 2017, régulièrement suivie par un superviseur, je travaille dans une lignée contemporaine orientée par la psychanalyse et basée sur le transfert. J'ai été formée à l'institut PROFAC d’Arles.

Pour plus d'informations, vous pouvez visiter le site internet professionnel de Cécile ➡️ Escale art-thérapie

Auprès de quel public travaillez-vous ?

Je travaille en EHPAD en tant qu'assistante en soins gérontologiques dans un pôle de soins d'activités avec des personnes ayant des troubles liés à la maladie d’Alzheimer et à différentes démences. J'y travaille aussi en tant qu'art-thérapeute en séances individuelles, mais pas avec les mêmes personnes, car je ne peux pas suivre en art-thérapie les patients que j'ai en soins, ceci afin de bien respecter les différentes fonctions et le cadre. J'ai aussi accompagné de jeunes enfants à domicile et de jeunes adultes en refuge. J'ai un projet qui va bientôt voir le jour auprès de mères endeuillées, dans le cadre d'une médiation artistique et en groupe.

Selon vous, de quelle façon l'art-thérapie peut-elle aider les personnes âgées à aller mieux ? Comment peut-on la mettre au service du mieux vieillir ?

Dans ce que j'ai pu vivre, il y a tout ce qui existe dans la restauration du lien à l'autre, la solitude étant très courante chez cette population. Sans avoir forcément besoin d'utiliser beaucoup de mots, mais plutôt d'une manière créative et ludique. Quelque chose qui s'apparente à une forme de voyage pendant lequel les personnes peuvent exprimer des choses de façon détournée : des ressentis, des émotions, des sentiments, mais plutôt par le biais d’un support créatif. Chacune peut bien sûr aussi verbaliser, inventer une histoire, exprimer une part d'elle ou de son imaginaire. Dans les institutions, les exercices cognitifs comme la stimulation de la mémoire sont beaucoup mis en avant.

Dans ma pratique, au-delà de la personne âgée, je m'adresse à l'inconscient de la personne, à ce qui n'est pas normé, attendu et qui s'invite en séance comme des surprises. Il y a des choses qui surgissent par exemple autour d'une invitation à inventer un paysage avec plusieurs matières. Cette ouverture à l'imaginaire permet de créer différentes formes de poésie et peut aider à remettre la vie psychique en mouvement. Tout cela peut aussi aider la personne à exprimer ses désirs, ses ressentis par rapport à elle et aux autres, à affiner sa vision d'elle-même et la façon dont les autres la perçoivent. C'est un peu tout ça qui se travaille en art-thérapie. C'est remettre la personne au centre, en tant que sujet.

Êtes-vous déjà intervenue auprès de personnes atteintes de grosses pathologies cognitives ?

Je n'ai jamais reçu de demandes de cet ordre-là, même si en EHPAD il y a beaucoup de personnes qui ont des débuts de troubles.

En revanche, je travaille en tant qu'assistante en soins en Unité de Vie Protégée un week-end sur deux et là, je côtoie des résidents dont la maladie est beaucoup plus avancée. Il peut m'arriver d'y proposer un peu de médiation artistique.

Comment se passe concrètement une séance d'art-thérapie une fois que la personne a accepté l'idée ? Quel est le cadre, la durée, etc. ?

Avant de commencer le travail d'art-thérapie lui-même, il y a des entretiens préliminaires qui permettent à l'individu de s'exprimer et de formuler sa demande pour aller mieux. Il ne faut pas oublier le thème thérapie, travail qui consiste à aller mieux. Ce n'est pas une recette miracle et c'est différent des ateliers de médiation artistique ou de création artistique où les gens se rendent pour le plaisir et pas forcément dans un but thérapeutique.

Je me souviens d'une dame en EHPAD qui était pratiquement aveugle et n'entendait quasiment pas. Après plusieurs entretiens préliminaires, je lui ai proposé pour commencer un dispositif qui s'apparentait à un chemin, à un tapis de rêves. J'avais une grande nappe satinée sur laquelle j'avais collé différents petits objets et des petits pochons qui contenaient d'autres objets. Après lui avoir demandé comment elle allait et se sentait, avoir reposé le cadre et m'être assurée de son désir de travailler avec moi, j'ai installé les matériaux. J'avais une petite valise dans laquelle elle découvrait les différents éléments du dispositif. Je l'ai invitée à cheminer à travers les différents éléments, à découvrir et à explorer les diverses textures, etc. Après, elle s'est intéressée à une petite boîte à musique et a vécu un moment très fort. Elle en tournait la manivelle et cet objet est devenu un repère pour elle lors de chaque séance. Des souvenirs de son enfance et de sa vie de jeune fille ont aussi surgi en séance.

Il y a des moments pendant lesquels je reste aux côtés de la personne, mais sans intervenir. Il est nécessaire que le thérapeute ne soit pas intrusif et que le patient se sente suffisamment libre pour s'approprier les objets et les propositions. Même si c'est parfois difficile pour elles, car elles ont besoin d'une aide concrète, il est très important de leur laisser ce temps d'appropriation. L'on reprend ensuite la découverte. Suivant ce que j'ai ressenti tout au long de la séance, je décide du moment où je vais l'arrêter. Parfois, c'est par rapport à quelque chose qui est dit et qui m'interpelle. Ce n'est pas la peine d'aller plus en avant dans l'action, mais plutôt de laisser cheminer ce qui a été mis en lumière.

Des choses magnifiques peuvent émerger de ces séances, en dehors de tout échange verbal structuré. Les patients ne sont jamais mis en difficulté par rapport à un désir précis. Il n'y a pas d'attente du thérapeute, mais une invitation à être soi-même et à ressentir. Cette méthode facilite les choses pour eux et soulage les tensions psychiques qu'ils peuvent ressentir.

C'est un espace d'expression sans jugement dans lequel ils peuvent donner libre cours à leurs sentiments, y compris à travers des choses toutes simples. En art-thérapie, après la ou les premières rencontres, je crée un dispositif avec des matériaux, que je propose. Il y a toujours une ouverture poétique pour créer ce « pas de côté » par rapport à ce qui est mis en place habituellement.

Pour les personnes qui seraient intéressées par l'art-thérapie pour eux-mêmes ou pour leurs proches, existe-t-il bien les trois possibilités suivantes : en structure (EHPAD, accueil de jour), en cabinet et à domicile ?

Oui, sachant que le déplacement du professionnel à domicile se pratique de plus en plus couramment, particulièrement lorsque les patients ont du mal ou ne peuvent plus se déplacer. Dans ce cas-là, il peut y avoir une petite réserve quant au cadre. On est chez la personne, dans son intimité, et certains thérapeutes ont quelques difficultés à imposer un cadre bien défini, ce que je peux comprendre.

Je ne sais pas si l'art-thérapie s'inscrit dans les programmes d'activités des accueils de jour, mais je trouve l'idée très intéressante. Cela pourrait être un très beau projet dans ces lieux.

Comment l'art-thérapie est-elle appréhendée et vécue par les professionnels de santé ? Reconnaissent-ils l'art-thérapie comme une méthode de soins ?

Il faut batailler un petit peu et bien expliquer notre métier. Pour certains, l'art-thérapie peut-être considérée comme la recette miracle et donner des résultats immédiats, ce qui n'est bien sûr pas le cas. Il y a un cheminement, un processus, le temps psychique de chacun, etc. Il y a aussi souvent l'idée que c'est l'art qui soigne, ce qui n'est pas vrai. Si c'était le cas, on n'aurait pas besoin de thérapeute. Il faut réaffirmer l'importance essentielle d'une démarche de soins. À force d'expliquer les choses, de les mettre en place, de donner des exemples, les mentalités commencent à changer.

La façon dont on parle de notre métier est fondamentale pour amener les médecins et professionnels de santé à appréhender cette méthode comme un vrai plus dans l'accompagnement du malade. C'est la place que l'on se fait qui va faire que ces personnes référentes vont accepter et reconnaître l'art-thérapie comme un métier à part entière. C'est en tout cas la façon dont je me positionne en m'affirmant. Malgré tout, il y a encore du travail pour que l'art-thérapie devienne un complément du protocole de soins...

Pour les personnes âgées, l'art-thérapie est-elle curative ?

Non, pas du tout. L'art-thérapeute ne se substitue pas aux médecins et autres professionnels de santé et n'a pas pour mission de régler les problèmes des patients qu'ils accompagnent ; nous sommes à leurs côtés pour les aider à se sentir mieux à un niveau psychique (relation aux autres, expression des désirs qui les animent, « reprendre sa parole en main » comme le dit Jean-Pierre Royol, psychologue clinicien et président d'honneur de la Ligue Professionnelle d'Art-Thérapie).

On ne soigne pas ou on ne règle pas de troubles. Ce n'est pas notre travail. Nous accueillons la personne avec sa singularité et ne cherchons pas à ce qu'elle colle à une norme. Notre rôle n'est pas de la rééduquer ou, comme dans le cadre d'une thérapie comportementale, de l'aider à guérir.

Si vous souhaitez proposer à votre proche d’entamer des séances d’art-thérapie ou de participer à des ateliers de médiation artistique, il existe plusieurs annuaires en ligne recensant les praticiens de votre région. Vous pouvez également vous rapprocher d’associations ou d’institutions proposant des ateliers de groupe offrant la possibilité de participer sur inscription. Les séances d’art-thérapie ne sont pas remboursées par la Sécurité Sociale, mais certaines mutuelles offrent des possibilités de prise en charge.

Le petit mot de Cécile : l’art-thérapie contemporaine dans laquelle je m’inscris nécessite de s’assurer d’une non contre-indication médicale. Dans ma pratique, il m'incombe de me rapprocher du médecin afin de m’assurer que ce suivi est envisageable. D’autre part, l’art-thérapie n’étant pas une réponse adaptée aux situations d’urgence, je rappelle qu’en cas d’urgence il convient d’appeler le 15.

Vous résidez en région et souhaitez des informations complémentaires, ou prendre rendez-vous avec Cécile Louradour pour des séances d'art-thérapie ?

Vous pouvez visiter son site internet

Suivre sa page Facebook

Ou la contacter directement : louradour.cecile@free.fr / 06.03.07.91.60

Son cabinet est situé Maison de santé du Vigean à Eysines (33320), et vous accueille deux samedis après midi par mois.

Chez Ernesti, notre but est d’offrir aux personnes dépendantes la possibilité de rester chez elles aussi longtemps qu’elles le souhaitent et dans les meilleures conditions, quand bien même elles auraient besoin d’une présence la nuit.
Nos « Chouettes », étudiant·e·s dans les domaines de la Santé (médical et paramédical) sont disponibles pour venir de manière régulière assurer une présence la nuit au domicile de l’Accompagné.
La mise en place de gardes de nuits à domicile permet également aux Aidants de pouvoir prendre du recul et de se reposer, tout en sachant leur proche en sécurité.
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